Quelqu'un a dit que l'exil c'est la perte des chemins d'enfance, et c'est juste. Mais on a souvent tendance à en déduire qu'il suffit à l'exilé de retourner sur ses pas pour retrouver les chemins perdus. Ce n'est pas vrai. Ce n'est jamais vrai, car le petit garçon en nous a déjà reconstruit mentalement d'autres chemins d'enfance, des chemins certes imaginaires mais plus enracinés en nous que la réalité fuyante du quotidien. (...) J'ai vécu la plus grande partie de ma vie loin de ma terre natale, et je sais que je ne pourrai plus jamais y revivre. J'ai vécu constamment en exil, d'un exil à un autre. Une vie errante qui s'était d'abord imposée à moi, à l'enfant que j'étais, mais à la longue, j'ai appris à l'apprécier, à l'assumer avec ses avantages et ses travers. Aujourd'hui, je chéris mes exils et tous ces arrachements qui m'ont permis de vivre la plus grande partie de ma vie en retrait dans mon imaginaire.